Octobre 2010

Construction d’une école

groupe_sous_banderole__site-d6822

Province de Chiang Rai

Mission humanitaire de la Fondation Jan & Oscar et des étudiants de l’université de Rajamangala.

Après une journée complète de voyage, nous nous allongeons avec délice sur les lits confortables de l’Hôtel Legend à Chiang Rai. Ce magnifique hôtel qui marie si bien le confort occidental avec le charme thaï est tenu par notre coordinateur de projet sur place, Marc Dumur, originaire de Grandvaux en Suisse. Le lendemain, nous quittons l’hôtel pour nous rendre en direction des montagnes à bord d’un véhicule tout terrain pour sillonner les routes chaotiques et montagneuses.

Après trois heures de route pendant lesquelles nous nous sommes fait secouer comme des cocotiers (pas de pruniers en Thaïlande), nous arrivons enfin à notre campement dans le village de Kok Noi accueillis par les étudiants et professeurs de l’Université de Rajamangala avec lesquels nous partageons un magnifique repas. Dans l’après-midi, nous grimpons jusqu’au village de Ban Cha Ha habité par une tribu des montagnes nommée Lahu où la nouvelle école prend forme et remplace l’ancienne délabrée. Les travaux ont déjà bien avancé, il y a beaucoup de monde sur le chantier, il faut donc faire sa place pour pouvoir participer. Les filles se mettent à cimenter un mur sous le regard curieux et amusé des étudiants ingénieurs tandis que les garçons préparent le béton (mélange de gravier – ciment – sable et eau) pour préparer la dalle de la cuisine. En fin de journée, toute notre équipe, thaïe et suisse, redescend au campement distant de 2 km pour y prendre une douche bien méritée ainsi qu’un repas très apprécié.

La journée suivante commence relativement tôt malgré notre manque d’envie de nous lever, décalage horaire oblige. La professeure des ingénieurs, surnommée Apple, guide et responsable de ce projet de construction, prend l’initiative de distribuer des badges portant les noms écrits en thaï et en français de chaque personne sur le chantier. Ceci va favoriser le contact entre nous et surtout nous aider à mémoriser les prénoms aux consonances étrangères. Cette journée est essentiellement consacrée à la fabrication du béton pour le coulage de la dalle. Une grande chaîne humaine se forme faisant passer les seaux remplis de béton sous un véritable déluge qui n’empêche pas les ouvriers de travailler avec enthousiasme. Ceux qui sont mouillés ont froid et tentent de se réchauffer en mettant des vêtements secs. Les étudiants ingénieurs restent beaucoup plus longtemps que nous ce soir-là car cette opération délicate ne supporte pas d’interruption.

Après un magnifique dîner, nous rejoignons notre bivouac qui se trouve à l’intérieur d’une salle de classe. Nous avons dressé 4 tentes dans lesquelles nous dormons à l’abri des insectes et autres bestioles. Un enfant du village a tout de même ramené un cobra jusqu’à la maison et les étudiants nous ont aussi apporté un centipède, sorte de millepattes de 25 cm dont la piqûre peut être mortelle. Cette nouvelle journée est consacrée à la peinture des murs. Il fait si chaud qu’après le déjeuner, nous faisons la sieste chez un villageois qui nous prête gentiment sa maison. La fin de l’après-midi est consacrée à la lessive : les filles lavent et les garçons regardent ! Nos vêtements sont vraiment sales après quelques jours sur le chantier et nous n’avons plus grand-chose de propre à nous mettre.

Ce soir-là, une fête est préparée en notre honneur et pour la première fois, nous mangeons assis par terre avec les étudiants contrairement aux jours précédents où nous avions droit au traitement de faveur, c’est-à-dire une table dressée spécialement pour nous. Nous étions mal à l’aise et mis à l’écart si bien que nous avons demandé à être traités comme tout le monde. Ce dîner en commun nous a permis de consolider les liens qui commencent à se tisser entre Suisses et Thaïs. La musique, les chants et les éclats de rire ont beaucoup contribué à notre rapprochement. Nous avons goûté leur whisky et l’alcool de riz et bien qu’ils en absorbent de grandes quantités, nous avons remarqué qu’ils se rincent la bouche après chaque gorgée afin d’en oublier le goût qu’ils ne semblent pas apprécier du tout. Nous avons appris quelques mots de thaï et les étudiants ingénieurs quelques mots de français. Des échanges d’adresses électroniques se sont faits dans une ambiance chaleureuse.

Le quatrième jour est férié dans le village de Ban Cha Ha : c’est la fête du « nouveau riz », sorte de tradition semi religieuse qui célèbre l’abondance de la moisson, le riz étant la base de l’alimentation. Pour l’occasion, nous offrons les jouets apportés de Suisse aux enfants Lahu. Comme c’est la première fois que des Européens viennent dans ce village, les enfants n’ont jamais vu de jouets non plus. Au début tout timides, ils se rapprochent de nous. Nous leur proposons des activités afin de leur apprendre à assembler des Lego, à jouer au Memory, avec de la pâte à modeler, à dessiner avec des crayons feutres, faire des bulles de savon, jouer à Puissance 4, etc. Après une matinée consacrée aux jeux, les enfants très disciplinés et soigneux rangent les jouets qui trouveront bientôt leur place dans la nouvelle école. Nous sommes invités à manger à la table du chef du village et sa famille. Après ce festin, nous sommes sollicités pour aller dans chaque maison du village (30 familles), ce qui nous donne l’impression de faire une tournée électorale. Nous découvrons ainsi leur façon de vivre et leur intérieur très simple sur pilotis. Les villageois nous accueillent comme des rois et nous montrent leur joie. Les enfants nous font une joyeuse escorte pendant toute cette journée de fête, ce qui est un vrai changement en comparaison des premiers jours durant lesquels, effarouchés par notre venue, ils disparaissaient dans leurs huttes.

La journée suivante est consacrée aux travaux de finition : peinture des portes, volets et palissades. Les couleurs de l’école sont blanc et bleu. Nous décorons la classe, non sans mal, avec des petits bonhommes aux couleurs du logo de la Fondation Jan & Oscar. Nous avons de la peine à confectionner nos pochoirs faute de matériel mais finalement tout le monde s’y met, professeurs et étudiants, et nous découpons des pochoirs nous permettant d’appliquer la couleur et la forme désirée. Les villageois mettent également la main à la pâte et confectionnent une barrière en bambou venant clôturer l’école.

Le dernier jour, nous remontons une ultime fois afin de confier l’école aux autorités du village et faire nos adieux. Le chef du village, très ému, reçoit l’école officiellement de la part de l’Université de Rajamangala et de tous ses étudiants et professeurs ayant pris part à sa construction. La Fondation Jan & Oscar qui en a assuré le financement est également à l’honneur lors de cette inauguration et c’est dans la nouvelle école que nous savourons le menu de fête.

Le soir-même, notre dernier soir tous ensemble, nous faisons une petite surprise à nos amis thaïs en leur faisant une démonstration de danse et chanson. Quant à eux, ils nous font l’honneur de nous présenter leur parade habituellement célébrée à l’occasion de leur graduation à l’université. A la fin de la soirée, une surprise nous attend : nous allumons des lampions qui montent dans le ciel emportant avec eux comme le veut la tradition, les prières secrètes de chacun.

Il pleut très fort durant notre dernière nuit et le matin suivant, jour de notre descente vers Chiang Rai, les routes se sont transformées en rivières de boue. La prudence de Laurence nous invite à descendre de la voiture, la piste de terre mouillée s’étant transformée en toboggan de boue. Les policiers assurant notre sécurité et nous escortant pour notre retour en ville prennent les commandes de la voiture pendant que nous descendons à pied l’endroit le plus abrupt. Nous remontons à bord des voitures lorsque le terrain est devenu plus plat et arrivons au bord de la rivière où une pirogue nous attend pour nous amener à l’hôtel Legend à Chiang Rai. Celui-ci se trouve au bord de la rivière Kok. A mi-chemin, nous nous arrêtons pour notre plus grand bonheur au village Karen de Ruanmitt pour faire une balade à dos d’éléphants dans la jungle. De retour à la civilisation, un délicieux déjeuner nous attend. Nous visitons le « temple blanc » à l’extérieur de la ville de Chiang Rai : quelle curiosité pour nos yeux d’Européens ! Ce temple moderne au décor de béton et verroterie a de quoi surprendre. A notre retour à l’hôtel, nous avons tous droit à un massage traditionnel thaïlandais ce qui nous fait du bien après les travaux manuels. Le soir, nous retrouvons les étudiants que nous avons quitté le matin-même pour boire un verre dans une discothèque où il n’est plus question de barrière des langues puisque nous ne nous comprenons plus non plus dans notre propre langage, la musique étant si forte ! Le spectacle est haut en couleurs ! Les filles asiatiques voulant ressembler aux Européennes sont comme des poupées Barbie et nous avons droit également à un travesti qui s’avance vers nous intrigué par notre présence. La soirée se termine fort tard et nous avons bien ri.

La nuit est courte puisque nous quittons la boîte de nuit vers 2 heures du matin mais le programme de cette nouvelle journée n’attend pas, nous avons rendez-vous pour la visite du musée de l’opium. Lors de cette visite, chacun réalise pour la première fois à quel point le commerce de cette drogue a eu de désastreuses conséquences socio-économiques sur toute l’Asie du sud-est. Le musée est très instructif. La journée continue avec la visite du Chalet de la Reine Mère à Doi Tung avec ses jardins luxuriants. Un arrêt à Mae Sai nous fait découvrir une petite ville frontière laquelle est séparée du Myanmar par un pont. Il y règne une grande effervescence et les échoppes proposent des produits différents provenant du Myanmar. Sur les étals, des marrons chauds et des champignons côtoient les produits d’artisanat local.

Nous quittons l’hôtel Legend le lendemain matin à destination de Bangkok pour nous rendre dans la province d’Uthai Thani où Michele Bise nous attend. A peine arrivés, nous allons au refuge que Michèle a créé avec son amie Sombut il y a quelques années. Elles recueillent les chiens errants de Bangkok et les soignent. Nous découvrons avec joie une portée de chiots de quelques semaines. Nous sommes accueillis très chaleureusement et nous restons dans la maison de Sombut pour la nuit après avoir été invités dans un restaurant typique.

Le lendemain, lever à 6 heures du matin pour nous rendre au temple. C’est la fin du carême bouddhiste et une cérémonie spéciale a lieu. Tous les villageois de Nong Chang sont présents et font des offrandes aux moines qui déambulent en magnifique procession couleur safran. Nous leur faisons des offrandes de nourriture également et devons, en signe de respect, nous déchausser avant de leur tendre notre paquet. Notre présence est un immense privilège, nous sommes les seuls étrangers. Après la cérémonie, nous nous rendons dans quelques écoles pour découvrir des projets réalisés par la Fondation Jan & Oscar. Nous rencontrons quelques familles dont les conditions de vie nous mettent face à une réalité cruelle et dure. Les rencontres avec un mourant inquiet pour l’avenir de sa fille, avec un tétraplégique entouré d’une femme aimante et de sa fille à vocation d’infirmière ou avec une orpheline de 6 ans à l’avenir incertain furent des moments particulièrement émouvants. Une fois de plus, et malgré la pauvreté générale, les gens se montrent très généreux et nous invitent à partager leur repas. Ils se sentent honorés que nous acceptions leur invitation.

Avant notre départ pour la Suisse, nous offrons une dernière séance de caresses aux chiots du refuge que nous baptisons avec de nouveaux prénoms. Bien plus que la découverte d’endroits pittoresques et aux paysages à couper le souffle, ce sont surtout les gentillesses, l’esprit d’ouverture, le respect, la curiosité et la tolérance des habitants qui nous ont le plus touchés.

Vidéo